L’institut de l’entreprise (think tank de grands patrons : www.institut-entreprise.fr) a rendues publiques hier les conclusions de ses réflexions sur l’entreprise d’après-crise (travaux menés entre avril et octobre 2009).
Le rôle et la place du management intermédiaire était l’un des quatre thèmes : c’ est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, je suis est heureux de voir à quel point nos grands patrons semblent conscients qu’il y a un problème !
Voyons un peu ce qu’il en est sorti …
L’intégralité du discours de clôture (par Michel Pébereau) des travaux des quatre groupes est ici
Le dossier de presse, plus détaillé, est là
Concernant la place du management (groupe présidé par Daniel Chaffraix, IBM France, et Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP), on peut lire dans le discours de clôture :
Au sein des équipes de l’entreprise, l’encadrement intermédiaire mérite une attention particulière. Cadres, chefs d’équipes, contremaîtres ont pu voir leur pouvoir s’affaiblir dans certaines organisations. Les nouvelles technologies, en se développant et en se
diffusant dans l’entreprise, ont favorisé une plus grande centralisation des décisions et du contrôle des résultats. Elles ont ainsi contribué à dessaisir la population des managers d’une partie de ses responsabilités, et en tout cas de ses prérogatives.Pour autant, les intéressés conservent une mission fondamentale dans la mobilisation des équipes. Le management intermédiaire joue aussi un rôle central dans le déminage des tensions inhérentes à toute organisation humaine. L’entreprise de l’après-crise devra donc s’attacher à assurer sa mobilisation.
Deux points que j’ai envie de commenter ou souligner :
- “(…) plus grande centralisation des décisions et du contrôle des résultats” : nombre de managers de proximité s’inquiètent du temps passé à faire “du reporting” , à saisir des données sans trop savoir pourquoi ni pour qui, à participer à des réunions à consensus mou, … . Cela m’apparaît comme la partie concrète d’une tendance de fond : pour faire face à une complexité croissante, les entreprises (et leurs dirigeants) ont tendance de plus en plus à vouloir sécuriser la prise de décision en définissant des processus détaillés que le manager doit appliquer et faire appliquer rigoureusement. Celui-ci voit son autonomie réelle se réduire comme peau de chagrin. Cette tendance est bien sûr facilitée par les nouvelles technologies, mais n’oublions pas la responsabilité du top management (qui fait d’ailleurs comme il peut pour répondre à l’exigence d’actionnaires qui cherchent à minimiser leur risque, et donc renforçent les exigences de contrôle). Alors, le manager de proximité, rouage discipliné de l’application des processus ou acteur autonome et force de proposition ? Que ceux qui disent “les 2 !” prennent le temps de réfléchir à la compatibilité de ces affirmations … Attention donc à ne pas trop espérer avoir des managers de proximité tellement agiles et avertis qu’ils sauraient quand appliquer docilement les processus et quand, au contraire, “franchir la ligne” pour obtenir un résultat ou une rupture !
- “Les intéressés conservent une mission fondamentale dans la mobilisation des équipes” : il me semble important de souligner ici l’impérative exemplarité du top management dans la mobilisation du management intermédiaire. Comment en effet demander à des managers intermédiaires de porter quelquechose qu’ils n’ont pas eu la possibilité de s’approprier pleinement eux-mêmes ? Comment leur demander d’être des “mobilisateurs” quand leur propre manager n’a pas suffisamment ce souci ? On le constate malheureusement dans beaucoup de projets transverses : le management intermédiaire est souvent le parent pauvre, dont on s’occupera en dernier (comment lui en vouloir dans ce cas d’être “contre” plutôt “qu’avec”). Les top managers doivent, par leurs actes, soutenir leurs managers de terrain, faire équipe avec eux, leur donner les moyens d’être porteurs, à leur niveau, de la vision de l’entreprise.
J’applaudis des deux mains les conclusions du groupe de travail ! Si les entreprises se saisissent à bras le corps (et en profondeur, car cela interpelle toute la ligne hiérarchique) de cette problématique, elles agiront sur un formidable levier de performance collective .
J’aimerais en savoir plus sur l’introspection des grands patrons qui ont participé à ce groupe de travail : il serait certainement intéressant de les amener à évoquer leur propre responsabilité et, surtout, ce qu’ils seraient prêts à changer pour donner au management intermédiaire la place souhaitée !