Dès lors que l’objectif du séminaire est clairement fixé, il y a selon moi 5 facteurs-clés pour qu’il soit réussi, c’est-à-dire pour qu’il renforce la performance du collectif rassemblé : l’alignement, la progression, le rythme, la modélisation, le réalisme.
Quelque soit la taille et l’objectif du séminaire, j’ai toujours cette grille à l’esprit lors de la conception, de l’animation et du debriefing.
L’alignement
Ce qui est prévu permet-il d’atteindre l’objectif fixé ?
Une équipe projet de 30 personnes se réunit pour la première fois pour un séminaire de lancement. Le chef de projet souhaite, en une demi-journée, que chacun ressorte avec une compréhension fine des rôles de chacun, et de son champ de contraintes. En analysant dans le détail ce que cela implique nous constatons que cela demande un travail préparatoire de chacun, et qu’une demi-journée ne permettrait que de survoler les choses. Nous définissons un format à remplir par chacun en amont pour lui permettre de se présenter, et choisissons d’allonger la durée du séminaire à une journée.
Bien entendu « aligner » la démarche à un objectif nécessite que celui-ci soit clair et pertinent (si ce n’est pas le cas, retour à l’étape précédente … ). Nous avons annoncé un objectif, il s’agit de le tenir ! Si c’est le cas, les participants se sentiront valorisés et fiers d’avoir abouti. A contrario un écart manifeste entre ce qui était visé et ce qui est obtenu donnera un sentiment d’inachevé, avec des frustrations plus ou moins explicites
Comme dans l’exemple ci-dessus, il faudra souvent être vigilant sur deux points : le matériau et le temps nécessaires pour faire les choses.
Le risque si l’alignement est mal géré est la frustration (« nous sommes passés à côté de l’objectif »).
La progression
L’ordre du jour permet-il à chacun d’avoir ce qu’il faut pour faire ce qu’il a à faire dans les différentes séquences ?
Un Comité de Direction se réunit pour décliner la vision à 3 ans, avec pour objectif que chaque Directeur identifie les chantiers prioritaires dans son périmètre. Comme prévu le DG a présenté la vision pendant 30 mn, et chaque Directeur doit maintenant réfléchir individuellement à la déclinaison dans son périmètre. J’ai observé qu’il y a eu peu de questions (le DG étant plutôt dans un style « monologue »), et que chacun s’apprête sagement à passer à cette réflexion individuelle. Je me demande s’ils ont bien intégré ce qu’à dit le DG, et du coup s’ils ont vraiment les moyens de faire leur travail. Je préfère sécuriser, donc je demande à chacun de poser une question au DG sur le point qui est le moins clair pour lui. Bien m’en a pris : l’échange qui suit durera 2h, avec de nombreuses questions qui permettront au DG d’éclaircir des sujets qui, manifestement, le nécessitaient. Ces deux heures seront largement récompensées : le travail des directeurs sera particulièrement pertinent.
Il y a bien sûr une certaine logique à respecter pour obtenir un résultat : la progression prévue doit respecter cette logique, sans rien sous-estimer.
Notons un point de vigilance : par effet de groupe et par peur d’apparaître incompétents, les participants n’oseront pas toujours dire qu’il « leur manque quelque chose ». Il faut observer attentivement ce qui se passe et s’autoriser à modifier ce qui était prévu !
Le risque si la progression est mal gérée est la non-qualité (« nous n’avons pas bien compris et donc notre résultat n’est pas satisfaisant »).
Le rythme
Les différents temps prévus donneront-ils aux participants l’énergie nécessaire pour faire ce qu’ils ont à faire ?
Le Comité de Direction se réunit pour deux jours avec un ordre du jour particulièrement chargé : respirer après une année particulièrement tendue, actualiser la vision à 3 an, la décliner opérationnellement (quelles étapes ? quels changements nécessaires ?), réguler des difficultés entre Directions, faire le point sur la démarche de progrès en cours sur le management, prendre des décisions sur quelques thèmes complexes et qui génèrent des désaccords.
La première journée enchaîne les séquences selon un mode de travail qui a fait ses preuves au sein de cette équipe : réflexion individuelle (sur la base de questions structurantes), partage des représentations (chacun présente son point de vue sans être interrompu), débat et décisions. En fin de journée l’énergie du groupe est très basse : fatigue, manque d’écoute, lassitude. Ce n’est pas étonnant : ce mode d’échange, s’il est très efficace, est aussi très exigeant en terme d’attention, et donc fatigue vite. Et puis, pour combler le retard pris dès le matin, nous avons réduit la pause déjeuner de 2h à 1h, et n’avons donc pas eu la promenade dans le parc qui aurait permis de s’aérer les neurones !
Pour ménager l’énergie du groupe il faut bien sûr varier les modalités de travail et ménager des pauses et des temps récréatifs. Il faut aussi souvent aller à contre-courant de que demandent les participants ! Passionnés par un sujet ils risquent de « tirer sur la corde » et sacrifier les temps de respiration, pourtant indispensables.
Le risque si le rythme est mal géré est la saturation (« il y avait tellement de choses que je n’ai rien retenu »).
La modélisation
De part ce qui se passe dans le séminaire, chacun est-il renforcé et encouragé dans ce que l’entreprise attend de lui ?
Un groupe de distribution réunit les Comités de Direction de ses enseignes, les Directeurs Régionaux et les Directeurs de magasin pour renforcer l’esprit d’entrepreneurs de ces derniers. Parmi les séquences prévues, le client souhaite organiser des « ateliers de l’innovation » pour que les Directeurs de Magasin osent sortir du cadre. Il y aura 60 groupes de 10. Qui va les animer ?
Je questionne le client : « dans la vraie vie, qui est censé stimuler les Directeurs de magasin pour qu’ils osent innover ? ». Réponse du client : « Les Directeurs Régionaux bien sûr ! ». Nous décidons donc que les ateliers seront animés par les Directeurs Régionaux, qui seront garants de la méthode de travail sans intervenir sur le contenu. Cela véhiculera, très concrètement, le fait que ce rôle de « stimulus à l’innovation » fait partie de ce qu’on attend d’eux dans la « vraie vie ». Bien sûr nous les formons, en amont du séminaire, à la méthode qu’ils auront à animer.
Un séminaire s’inscrit dans la vie réelle de l’entreprise : ses acteurs y jouent, en modèle réduit, le rôle qui leur est attribué. Saisissons cette opportunité pour qualifier un peu plus chacun dans son rôle !
Et évitons surtout, sous prétexte de participatif, de demander à n’importe qui de faire n’importe quoi sans tenir compte des fonctions de chacun.
Le risque si la modélisation est mal gérée est la confusion (« je ne comprends pas qui fait quoi »)
Le réalisme
Ce qui va sortir du séminaire est-il applicable ?
30 commerciaux sont réunis pendant une journée pour proposer un plan d’actions permettant d’améliorer le partage d’informations entre eux sur les prospects. Comme ils interviennent sur des produits différents, il y a un fort enjeu de « cross-selling ». A l’issue d’un travail participatif, ils aboutissent à 10 actions très concrètes et très pertinentes. Lorsque je les interroge sur leur capacité à les mettre en œuvre, ils éclatent de rire ! Ce n’est pas, disent-ils, la première fois qu’ils s’attaquent au problème et qu’ils échouent malgré leurs bonnes intentions. Nous travaillons là-dessus, et ils finissent par choisir 2 actions qu’ils s’engagent fermement à mettre en œuvre, avec des responsabilités et des échéances précises. Et ils décident spontanément de se revoir 6 semaines pour faire un premier bilan, ce qui est pour un signe de réalisme.
Les séminaires sont « une machine à créer de la frustration ». Parce qu’on est dans un cadre privilégié, parce qu’on a sincèrement envie d’avancer, parce qu’on est parfois déconnecté des contraintes quotidiennes au point que l’on finit par les oublier, on se laisse souvent piéger en « visant trop haut ».
Lorsque ce phénomène se répète, les collaborateurs finissent par identifier les séminaires comme des moments sympathiques mais qui ne changent rien !
Le risque si le réalisme est mal géré est la déception (« j’y croyais mais rien n’a bougé ») et, à terme, la condamnation des séminaires comme lieu de décision ayant de l’impact.