Le coaching de projet

Le “mode projet” est aujourd’hui incontournable dans toutes les organisations : projet système d’information, projet de réorganisation, projet “client” (quand le métier de l’entreprise est justement de faire des projets) … et bien d’autres !

Comment accompagner efficacement l’équipe projet ? Y-a-t-il des spécificités à prendre en compte ?

Quels projets ?

De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de “projet” ?

On parle d’abord de réalités multiples : depuis l’équipe de 3 personnes qui se consacre à temps partiel à un petit projet (par exemple la réécriture d’une plaquette dans une PME) jusqu’au projet Airbus A380 qui a coûté un total de 12 milliards d’Euros sur plus de 10 ans !

Ces deux cas extrêmes sont bien conformes aux critères qui définissent un projet (AFNOR) :

Le projet est un ensemble d’actions à réaliser pour satisfaire un objectif défini, dans le cadre d’une mission précise, et dans lequel on peut identifier un début, mais aussi une fin

Pour éviter de parler de généralités qui permettraient de couvrir un spectre aussi large, je choisis donc de limiter mon propos à des projets répondant aux critères suivants :

  • une équipe de taille significative mais “humaine” (entre 8 et 50)
  • mobilisée de façon dédiée (au moins 50% du temps de chacun)
  • sur une période suffisamment longue (plus de 6 mois)

Au passage, ces critères permettent d’englober la plupart des projets  “internes” (c’est à dire ceux qui ne sont pas vendus au client).

L’équipe projet, une équipe comme les autres ?

Si la réponse était oui je ne serais pas en train d’écrire ce billet !

Sur la base de mes observations, voici les différences avec une équipe opérationnelle “normale” :

  • Doublon d’appartenance : l’équipe projet existe “en plus” d’équipes existantes. Du coup ceux qui y sont affectés se retrouvent avec une “double appartenance”
  • Durée de vie limitée : au moment où l’équipe nait, on sait d’ores et déjà qu’elle va mourir à la fin du projet
  • Mécanismes spécifiques : le mode projet a des règles du jeu et un langage très spécifiques (planning, livrables, jalons, avancement, …) qui laissent déroutés les néophytes
  • Visions multiples : le projet vise à produire quelque chose qui n’existe pas. Les représentations de chacun sur ce “quelque chose” risquent, par nature, d’être éloignées (parfois diamétralement opposées)
  • Mobilité permanente : il y a en permanence des changements dans la composition de l’équipe, en fonction des phases du projet
  • Porteur de changement (pour les projets de changement uniquement) : la raison d’être du projet fait des membres de l’équipe des ambassadeurs du changement, avec tout ce que cela comporte de stimulant mais aussi d’inconfortable …

Ces différences ont, selon moi, un impact important sur les besoins du collectif. Voyons pourquoi, et les conséquences que cela aura sur le coaching d’équipe.

Les besoins spécifiques de l’équipe projet

Développement rapide du sentiment d’appartenance

On attend souvent de l’équipe projet qu’elle soit opérationnelle très rapidement. A tel point que le séminaire de lancement est généralement dédié à rentrer tête baissée dans le concret du projet : organigramme projet, planning, modalités de fonctionnement … C’est un peu précipité ! Dans la plupart des cas des membres de l’équipe :

  • ne se connaissent pas (ou peu)
  • n’ont pas participé à un projet
  • ont une représentation très personnelle de ce qu’il faut faire ensemble, pourquoi et comment

Le coach de projet s’attachera à développer la connaissance mutuelle entre les membres de l’équipe et la vision partagée du projet, tant par le fait d’y dédier du temps au lancement du projet qu’en mettant en place des conditions pour maintenir ces acquis (disposition géographique de l’équipe, modalités d’accueil de nouveaux membres, …)

Appropriation du mode projet

Parachuté dans un projet complexe, le néophyte a toutes les chances de passer à côté de règles du jeu importantes, voire de s’y perdre, voire même de développer des frustrations ou des blocages dus à des incompréhensions (par exemple : “Mais pourquoi est-ce qu’on me demande l’avancement de mes tâches ? On ne me fait pas confiance ?”).

Quand à ceux qui ont déjà une expérience projet, il est fort probable que le mode de fonctionnement sera différent de celui qu’ils ont connu, tant les pratiques des Chefs de Projet sont variables et très personnelles.

Il conviendra donc de s’assurer que les modalités de fonctionnement du projet sont bien comprises et assimilées par tous (sans oublier les nouveaux arrivants, ceux qui rejoignent le projet en cours de route).

Le coach de projet identifiera le degré de “culture commune” du mode projet, s’assurera de la mise à niveau là où elle est nécessaire. Il amènera le Chef de Projet à définir avec son équipe des règles du jeu collectives adaptées aux caractéristiques du projet.

Gestion de la mobilité constante

Un nouvel arrivant dans une équipe opérationnelle “classique” est un fait suffisamment significatif pour qu’on y prête attention : le manager le présente à ses collaborateurs, on lui nomme – officiellement ou officieusement – un “parrain” qui lui explique les us et coutumes, il a un entretien quelques semaines après son arrivée, … et surtout il bénéficie, en général, d’un peu de temps et d’indulgence.

Dans un projet, l’arrivée d’un nouveau est tellement banale qu’elle passe presque inaperçue ! A tel point qu’on s’en rend parfois compte uniquement parce qu’un bureau est occupé par une personne différente ! Les plus curieux, les plus sociaux, auront alors la curiosité d’aller “tailler bavette” avec le nouveau. Pour ce qui est de son intégration, charge à lui d’aller chercher ce dont il a besoin. Le projet continue à courir après ses délais, donc pas de temps à perdre …

La problématique de l’inclusion (du verbe “inclure”) des nouveaux entrants, et de la “déclusion” des partants, est essentielle pour éviter que les acquis du début, évoqués plus haut, ne s’effritent avec le temps. C’est un phénomène fréquent et vicieux (car c’est une lente dérive) qui peut transformer un collectif performant et soudé en une collection d’individus perdus et frustrés.

Le coach de projet incitera à définir, dans les modalités mêmes du fonctionnement du projet, les processus et rituels d’intégration des nouveaux entrants et de séparation des partants

Soutien mutuel entre ambassadeurs

Préalable : j’aborde ici le soutien mutuel lié au rôle “d’ambassadeur du changement”, soutien qui est nécessaire du fait des résistances que rencontre le projet auprès des autres collaborateurs de l’entreprise. Il y a par ailleurs un besoin de soutien mutuel et de régulation des tensions comme dans toutes les équipes : je ne l’aborde pas ici car il n’est pas propre au mode projet.

Défendre un projet de changement n’est pas toujours facile et valorisant. Dans les pires moments on préfère raser les murs plutôt que de rencontrer un collègue de peur qu’il ne se promène avec son panier de tomates mûres ! Double appartenance, double jeu, comment ne pas devenir schizophrène ?

L’équipe projet doit être une source de soutien où il est possible d’exprimer ses difficultés et ses doutes, d’élaborer ensemble des bonnes réponses aux “agressions” venant de l’extérieur du projet (en sachant tenir compte des remarques constructives sur le fond, y compris quand la forme n’est pas au rendez-vous) pour, finalement, garder un lien positif avec le reste de l’entreprise – notamment son équipe de rattachement – tout en défendant le projet et ses intérêts.

Le coach projet construira des temps de régulation permettant de traiter les difficultés des membres de l’équipe, dans une logique d’entraide

La place du coach, concrètement

Comme dans tout coaching d’équipe, le rôle du coach sera d’amener l’équipe et son manager à trouver et mettre en œuvre ses propres solutions. Le coach n’a bien sûr en aucun cas à se substituer au Chef de Projet.

Concrètement, le coach pourra, en fonction de la situation et des besoins, intervenir par exemple :

  • dans les temps forts du projet (lancement, jalon important à célébrer, clôture), en préparation et co-animation de séminaires d’équipe
  • dans le “calage” des réunions régulières de l’équipe (comité de projet et / ou de pilotage) au début du projet,  en observateur exigeant et bienveillant qui effectue en fin de réunion un feedback et aide à explorer de nouvelles façon de faire
  • en cas de tensions que l’équipe n’arrive pas à traiter seule, en agissant comme régulateur
  • auprès du Chef de Projet, pour l’aider à prendre du recul sur le fonctionnement de l’équipe et sur la façon de la manager

Le coaching fera l’objet d’un contrat précis sur ses objectifs et modalités (de même nature qu’un coaching individuel : cf. mon post sur  “acheter du coaching, un exercice délicat”) qui constituera un cadre permettant d’éviter les dérives.

En ce qui concerne le coût de cet accompagnement, il va de moins de 10 k€ pour un accompagnement très ciblé à plusieurs dizaines de k€. Lorsque l’on sait le caractère stratégique de la plupart des projets et l’investissement important qu’ils représentent, il est utile de réfléchir à deux fois avant d’en faire l’économie …

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