Vision partagée, de quoi s’agit-il ?

Partager une vision : voila un de mes concepts préférés dans mon approche de la performance collective.
Je l’utilise très souvent, et en particulier dans l’accompagnement d’équipes de direction.

Vision partagée : L’expression séduit, car elle est immédiatement inspirante et comprise par tous. Elle fait rêver, elle a le potentiel pour embarquer un groupe. Elle va donner du sens et produire des actions.

Mais j’ai constaté à quel point ce concept est délicat à manier : voici un premier article avec mes recommandations d’utilisation. Un prochain article traitera de la méthode pour construire et partager une vision. D’autres articles, sous forme de témoignages, permettront d’illustrer les enjeux auxquels ce type d’exercice permet de répondre (témoignage n°1 ici)

Définition

J’utilise la définition suivante : il y a vision partagée quand tous les membres du groupe ont la même compréhension de «là où nous allons ensemble, comment, et pour quoi».

On comprend avec cette définition qu’il faudrait, pour être tout à fait précis, compléter le terme vision partagée par trois éléments :

  • l’horizon de temps
  • l’entité concernée
  • le groupe de personnes qui partage la vision.

Ainsi on pourra dire «Vision à 5 ans de l’entreprise X partagée par son Comité de Direction», mais aussi dans un autre cas de figure «Vision à 3 ans de la Direction Y partagée par l’ensemble de ses collaborateurs».

Cette précision est souvent utile : cela évite par exemple de considérer que la simple existence d’un document estampillé «vision partagée» équivaut à une vision vraiment partagée.

Comme j’évoque dans cet article uniquement le contenu d’une vision, nous laissons de côté pour l’instant la notion de “partagée”.

Une vision comprend 6 niveaux

Qu’y a t-il dans la réponse à la question : «où allons-nous ensemble, comment et pour quoi ?» ?

Que faut-il décrire pour donner une représentation simple et complète de ce que l’entité veut être ?

J’utilise personnellement un modèle qui comprend 6 niveaux

  • Les niveaux 1 et 2 évoquent le sens profond :
    • 1/ La vocation
    • 2/ Les ambitions
  • Les niveaux 3 et 4 décrivent la dynamique de progrès :
    • 3/ Les priorités stratégiques
    • 4/ Les plans d’actions
  • Les niveaux 5 et 6 sont relatifs à l’approche choisie
    • 5/ Les valeurs
    • 6/ Les principes d’organisation

Nota : j’utilise dans la suite de cet article un exemple pour illustrer le propos. Il s’agit d’une Direction sécurité dans une grande industrie.

Le sens profond : la vocation et les ambitions

La vocation et les ambitions sont en principe valables pour une longue période, tant que l’environnement de l’entité ne l’invite pas à se réinventer fondamentalement :

  • la vocation exprime la raison d’être de l’entité. Elle doit être puissante et porteuse de sens, pérenne, «juste» à défaut d’être précise et exhaustive (ce n’est pas une lettre de mission ni une liste d’attributions). Débutant par un verbe, elle peut compléter la phrase «nous sommes là pour …». Ma préconisation : trouver une expression qui «fasse image», éventuellement en utilisant une analogie
    • Exemple : «Etre la conscience de l’entreprise en matière de sécurité»  
  • Les ambitions expriment les défis de l’entité, les challenges qu’il ne lui faudra jamais cesser de relever pour répondre pleinement à sa vocation. Il ne s’agit donc pas de résultats à atteindre mais de facteurs-clés de succès pour réaliser la vocation. Ma préconisation : on doit pouvoir résumer chaque ambition à un mot-clé, en disant «c’est le défi de la / du …»
    • Exemple : «Le défi de la confrontation : oser la confrontation et la remise en question en cherchant en permanence ce qui se fait de mieux dans l’industrie en matière de sécurité»

La dynamique de progrès : les priorités stratégiques et les plans d’actions

Les priorités stratégiques et les plans d’actions décrivent la mise en tension de l’entité pour progresser vers sa vocation et ses ambitions sur un horizon de temps donné :

  • Les priorités stratégiques expriment les grands axes de progrès de l’entité à l’horizon défini, qu’elle ne peut se permettre de laisser de côté sans se mettre en péril. Il s’agit de compléter la phrase «D’ici X ans nous devons avoir réussi …», et cela s’exprime sous forme de résultat à obtenir. Ma préconisation : vérifier que l’on saura évaluer l’atteinte du résultat.
    • Exemple : «… à communiquer sur les incidents de façon cohérente et réactive (J+1) vers les opérationnels »
  • Les plans d’actions sont la façon concrète de répondre aux priorités stratégiques . Il s’agit de répondre à la question «Comment allons-nous faire ?», naturellement avec des échéances.
    • Exemple : «D’ici 3 mois, mise en oeuvre des alertes digitales (courriel et SMS)»

L’approche choisie : les valeurs et les principes d’organisation

Les valeurs et les principes d’organisation décrivent les convictions et les choix sur la façon de fonctionner pour être performants au quotidien :

  • Les valeurs explicitent clairement les comportements attendus au quotidien de la part des acteurs de l’entité. Elles traduisent en général des convictions fortes des dirigeants. Ma préconisation : une valeur se résume à un mot, et se décrit par une phrase qui débute par «je», pour qu’elle puisse constituer un principe de fonctionnement individuel.
    • Exemple : «Coopération : notre valeur ajoutée résulte du débat – souvent contradictoire – entre des expertises et des corps de métier différents ; j’accepte les différences de point de vue et les utilise pour progresser»
  • Les principes d’organisation décrivent la façon dont l’entité s’organise pour fonctionner. Il s’agit de règles de fonctionnement collectif sous-jacentes à l’ensemble des normes de l’entité (organigramme, instances, reporting, …).
    • Exemple : «Principe de subsidiarité : un échelon élevé ne doit pas prendre de décision pour un niveau inférieur si celui-ci est capable de la prendre lui-même»

Une synthèse graphique de ces 6 niveaux

Pourquoi cette représentation ?

  • Vocation et ambitions sont en bas : les enjeux soutiennent l’action, sont plus profonds et moins visibles
  • La pyramide repose sur une pointe, donc en risque de déséquilibre : il faut veiller en permanence à l’équilibre des priorités et projets
  • Les valeurs et principes d’organisation sont le terreau dans lequel le système est « planté », elles lui permettent de croitre et se réguler

Conclusion

Si chacun des 6 niveaux est important, la cohérence de l’ensemble l’est tout autant. Il faut donc vérifier :

  • En «remontant la pyramide», que la vocation de l’entité est bien servie et que l’on se donne les moyens d’y répondre,
  • En «descendant la pyramide» que les actions prévues répondent bien à des enjeux importants.

Cette analyse de l’alignement entre les enjeux et l’action est essentielle et très riche.

Enfin il faut insister sur le fait que la façon de partager une vision est au moins aussi importante que son contenu, car c’est la qualité de ce processus qui permettra aux acteurs de l’entité de se mobiliser pleinement dans la mise en oeuvre.

Rappelons nous donc en permanence que l’objectif n’est pas de produire un beau document très pertinent, mais bien de fédérer les énergies dans le bon sens !

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