Acheter du coaching : un exercice délicat

Lorsque j’accompagne un collectif dans une démarche de progrès (quelque soit la nature de mon accompagnement : coaching d’équipe, groupes de pairs, démarche structurée …) il m’est bien sûr déontologiquement impossible de coacher individuellement l’un de ses membres. Lorsque le besoin se présente (et c’est fréquent !), et si l’entreprise n’a pas l’habitude d’acheter du coaching, mon rôle est de la conseiller au mieux dans cette démarche qui nécessite quelques précautions.

Petit topo, donc, sur l’achat de coaching, et en bonus le modèle de contrat que je me suis construit au fil du temps.

Etre au clair avec ce qu’est-ce le coaching individuel !

Avant d’acheter, il faut savoir ce qu’on achète ! Si le coaching est maintenant assez connu des services RH et cadres dirigeants de grosses structures, cela reste un mot fourre-tout et mystérieux pour la plupart des managers.

Le coaching est une profession non-règlementée, il existe donc de multiples définitions. Celle de la Société Française de Coaching me convient bien, on la trouvera ici (accompagnée d’exemples).

Un excellent ouvrage fournit les réponses à tout ce que vous souhaitez savoir sur le coaching : « FAQ Coaching » de Vincent Lenhardt, aux editions Dunod.

Si vous avez des questions précises, envoyez moi un petit mail, je ferai de mon mieux !

Qui achète ? Les RH !

Les ressources humaines jouent le rôle de garde-fou : sans avoir à se prononcer sur le fond du coaching (la demande du coaché, l’objectif de l’accompagnement), il s’agit de s’assurer que les conditions requises sont bien en place : l’existence d’une vraie demande de la part du coaché, l’adhésion de son manager au principe, aux objectifs et aux règles du jeu, la déontologie du coach et ses références.

Qui choisit le coach ? Le coaché !

« Le fit » est un ingrédient essentiel. Il faut que le coaché et le coach se « sentent » mutuellement. D’ailleurs l’un et l’autre pourront très bien décliner après le premier entretien sans autre motif que le « manque de fit » (il faut y voir alors un signe de professionnalisme et ne pas se vexer bêtement !).

Je recommande aux RH de présenter 2 coaches au demandeur, et de lui laisser un temps de réflexion d’une semaine pour se décider (méfiez vous du coach qui fait pression pour avoir une réponse … mais ne le faites pas attendre trop non plus !).

Si le demandeur connait quelqu’un, considérez le comme n’importe quel coach, et donc jouez votre rôle de garde-fou. Mais il n’y a aucune raison spéciale de le refuser, au contraire.

Le contrat : ici encore plus qu’ailleurs !

C’est justement parce que le coaching est un accompagnement soft difficilement contrôlable qu’il faut se donner les moyens d’en évaluer les résultats ! Sinon on se fondera sur du pur ressenti ou, pire, sur l’évaluation du coach plutôt que sur l’évaluation des résultats du coaching. Le sujet n’est pas de savoir si le coach est « bien », « professionnel », « très à l’écoute » … cela n’a aucun intérêt !

Mais savoir si le coaché a progressé là où il avait du chemin à parcourir, si ses progrès sont tangibles, s’il dispose des ressources nécessaires pour continuer à progresser … là est le débat !

Le contrat est central dans l’achat de coaching : il précise notamment les objectifs du coaching et les critères d’appréciation de leur atteinte. Certains diront que c’est impossible car trop subjectif. Ce n’est pas mon expérience. Voici un exemple tiré d’un cas réel :

Le coaching aura pour objectif de permettre à Paul DUPONT de développer une relation dynamique avec son équipe pour que celle-ci atteigne ses objectifs.

L’atteinte de cet objectif sera évaluée sur la base des critères suivants, appréciés par Paul DUPONT  :

–       Passer du « je sais faire » à « je sais faire faire » : constater une réduction significative du temps consacré par Paul à « faire directement »

–       Conduite de projet : constater une amélioration significative de la tenue constructive, par chacun,  de son rôle dans le projet

Le contrat est élaboré dans le cadre d’un entretien quadripartite : le demandeur, son manager, le RH, le coach. Le coach aura pris soin de ne pas avoir d’échange one to one en amont avec l’un ou l’autre de ces interlocuteurs (sauf bien sûr la prise de date) pour ne pas être embarassé de « choses à savoir mais à ne pas dire » (cela vient vite !).

Voici le modèle de contrat de coaching individuel (illustré par un exemple) que je me suis construit au fur et à mesure. Normalement vous devez retrouver plus ou moins ces rubriques dans un contrat. Si le coach vous dit qu’il préfère travailler sans contrat … fuyez !

L’évaluation

La dernière séance de coaching est consacrée à faire un bilan, dans la même configuration quadripartite que lors de la définition des objectifs du contrat. Cette séance, préparée par le coaché, est centrée sur l’analyse de l’atteinte des objectifs visés, et la mise en perspective des progrès effectués.

En ce qui me concerne, je demande au coaché de structurer sa réflexion autour des questions suivantes, qui lui permettent de rendre compte de sa progression de façon précise et étayée, et de se projeter dans l’avenir :

  • Quel regard portez-vous sur le travail effectué ?
  • Qu’est-ce qui, de votre point de vue, a été le plus facile ? le plus difficile ?
  • Quelles étaient vos intentions en acceptant cet accompagnement ?
  • Où en êtes-vous aujourd’hui ? En quoi cela a-t-il modifié vos façons de faire ?
  • Répondez aussi concrètement que possible aux questions suivantes : « qu’est-ce que je ne pensais pas faire… que je fais maintenant ? », « qu’est-ce que je fais de nouveau, qui est une surprise pour moi ? », « qu’est-ce que je ne fais plus que j’avais tendance à faire ? », « qu’est-ce que j’ose faire que je n’osais pas faire ? », « qu’est-ce que j’ai envie de faire que je n’avais pas envie de faire ? », « 
  • En quoi cela a-t-il eu un effet sur la manière de penser ou d’agir de vos collaborateurs, de vos pairs, de votre hiérarchie ?
  • En ce qui vous concerne :  Où restent les difficultés, les obstacles à franchir ? Où sont vos alliés pour vous aider à les résoudre, à les dépasser ? Où sont aujourd’hui vos atouts, vos ressources ? Quelles solutions, aides, … voudriez-vous suggérer à votre hiérarchie opérationnelle ou fonctionnelle pour que les changements constatés se pérennisent à l’avenir ?

Les erreurs à éviter dans l’acte d’achat

Voici certaines erreurs que je constate fréquemment :

Dans le choix du coach :

  • « Il nous faut quelqu’un qui connaisse bien le métier »,
  • « la seule chose qui compte c’est le fit »,
  • « Prenons quelqu’un qui connaît bien l’entreprise et le contexte du coaché, c’est un gain de temps »

Dans l’élaboration du contrat :

  • Le manager du coaché :  « il faut absolument que le coach sache quelquechose de délicat … que je ne peux pas dire devant le coaché … je vais le dire au coach en privé »
  • Les RH : « Nous connaissons ce coach et son professionnalisme, pas besoin de contrat ! »
  • Le manager du coaché : « du moment que mon collaborateur y voit un intérêt, je n’ai pas besoin de m’y intéresser »

Au cours du coaching :

  • Le manager du coaché : « Ca n’a pas l’air d’avancer comme je le souhaitais … je vais appeler le coach pour lui en dire un mot ! »
  • Le coaché : « Je suis perdu et j’ai l’impression qu’on ne travaille pas comme il faut ni sur les bons sujets. Mais bon, le coach a l’air pro, il doit savoir ce qu’il fait, allons jusqu’au bout … »

Dans le bilan en fin de coaching :

  • Le coaché : « Les résultats ? C’était vraiment très intéressant et riche  pour moi ! Concrètement ? Euh … J’écoute mieux qu’avant  … »

Ne pas établir un contrat clair entre le coach, le coaché et l’entreprise (représentée par le manager), construit sous la saine vigilance des RH, c’est ouvrir la porte à de multiples perturbations.

Considérez donc l’achat de coaching comme un achat stratégique :  ce n’est pas le montant qui le rend stratégique, mais son enjeu pour la performance de votre entreprise !

Un avis sur « Acheter du coaching : un exercice délicat »

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